orgue Dourges
HISTOIRE D UN ORGUE.
Fabriqué en Allemagne, dans une église démolie par les bombardements pendant la guerre 40-45, donné au petit séminaire d’Arras situé à Bouvigny-Boyeffles, remonté par une équipe de jeunes allemands en 1965, donné à la paroisse Bx Marcel Callo en 2006, démonté, restauré et remonté dans l’église Saint Piat de Dourges ( Pas de Calais ), inauguré le 24 février 2008. Fabriqué avant 1874 je fais chanter plus de 400 tuyaux. J’ai vécu dans l’église Sainte Croix dans la ville de Francfort en Allemagne. Ma soufflerie est électrique et toutes mes commandes sont pneumatiques. L’organiste dispose de trois claviers : celui du récit, celui du grand orgue, et celui ( pédalier ) des basses. Ces trois claviers peuvent jouer seuls ou être accouplés. Quand l’organiste appuie sur une touche, une petite soupape se lève qui laisse le passage à de l’air sous pression. Par l’intermédiaire d’un tuyau de plomb l’air actionne un petit soufflet fait de bois et de peau d’agneau. Le petit soufflet soulève une soupape qui, à son tour va donner de l’air à un tuyau qui se met à chanter. les tuyaux sont fabriqués dans différentes matières : bois ou alliages de zinc, de plomb, d’étain. Le son donné, sa texture, sa sonorité, son amplitude dépendent de la matière employée, du diamètre et de la taille. Certains tuyaux en bois mesurent plus de trois mètres. Plus le tuyau est long, plus la note est grave. Le tuyau le plus aigu mesure à peine 1cm.
Quand l’église Sainte Croix a été détruite, je n’ai pas été touché…. Après la guerre le doyen de l’église a décidé de la reconstruire. Il en a profité pour installer un nouvel orgue, plus important. Un jeune allemand, qui se préparait au sacerdoce, était en relation avec un prêtre du diocèse d’Arras ( Pas de Calais ). Il a suggéré de me donner au Petit Séminaire d’Arras dans lequel le prêtre était professeur d’allemand. Ce petit séminaire était situé à Bouvigny-Boyeffles depuis 1940, car ses bâtiments, situés à Arras, avaient été détruits au tout début de la guerre 40-45.
Le doyen de l’église de Francfort a été très heureux de m’offrir à cette institution. Il a même dit : » il vaut mieux donner des tuyaux ( d’orgue…. évidemment ) que des grenades ! »
Il faut dire que ce doyen avait été brancardier pendant la guerre 14-18 sur la colline de Lorette, siège de violents combats.Un autre prêtre du Petit Séminaire, l’abbé Maurice Macquart, accompagné du professeur d’allemand, l’abbé André Brevart, a transporté une bonne partie de mes éléments d’Allemagne en France. Pour passer la douane ils ont présenté une autorisation signée de Valéry Giscard d’Estaing alors ministre des finances.Pendant plusieurs jours, une équipe de jeunes allemands m’ont installé dans la chapelle du Petit Séminaire. J’ai été inauguré solennellement en présence du doyen de l’église Sainte Croix de Francfort. Pendant des années j’ai accompagné tous les offices et je n’ai jamais failli à ma tache. Je me permets de raconter une petite anecdote à mon sujet.
A l’époque, les élèves étaient pensionnaires et ils passaient souvent le dimanche en internat. Un soir, tous les jeunes et les prêtres de l’établissement étaient rassemblés dans la chapelle pour ce qu’on appelait alors le salut.
Grand silence….. l’organiste met en route la soufflerie de l’orgue. et, tout à coup, on entend des miaulements affolés et stridents. Une chatte avait fait ses petits sur le dessus de la soufflerie et visiblement la nichée n’appréciait pas du tout les vibrations et les mouvements de leur domicile……! Inutile de dire qu’un immense fou rire a saisi tous les assistants et tout le monde a quitté la chapelle en réprimant difficilement un rire communicatif. Il parait que l’organiste faisait une drôle de tête ! J’ai servi pendant plusieurs années. Pourtant au fil des années le Petit Séminaire s’est transformé en collège : collège Saint François. La chapelle a été désaffectée pour devenir une salle de spectacle. Peu à peu je me suis détérioré. Les petits soufflets qui commandent mes soupapes ont commencé à se désagréger, les peaux ont séché, craqué. Un jour le toit au dessus de moi s’est mis à fuir : l’eau est entrée dans le sommier des basses occasionnant des dégâts. Et je suis devenu inutilisable. Il ne restait plus qu’une seule solution : la décharge !!!! Heureusement l’abbé Macquart est venu me voir. Il a mis le moteur de la soufferie en route et il s’est rendu compte de mon état lamentable.Vous pouvez vous en rendre compte sur la photo L’abbé a donc demandé au directeur l’autorisation de m’emmener. et cette autorisation a été accordée.
Maintenant, c’est l’abbé qui va vous raconter la suite
Tous les ans, je participe à une rencontre qui rassemble les anciens professeurs du Petit Séminaire. En visitant ce qui fut la chapelle j’ai été frappé par la dégradation de l’orgue. J’ai alors demandé à la direction s’il m’était possible de le démonter pour l’installer dans une des églises de la paroisse où j’habite. La direction a gentiment accepté et je la remercie de tout coeur.L’équipe d’Animation de la Paroisse a suggéré de remonter cet orgue dans l’église Saint Piat de Dourges. ( Dourges est une des cinq communes qui composent la paroisse Bx Marcel CALLO, avec Noyelles-Godault, Courcelles les Lens, Evin-Malmaison et Leforest ) j’ai donc entrepris le démontage. Nous n’avions aucune notion de ce qu’est un orgue et nous avons procédé méthodiquement. Chaque élément a été répertorié, étiqueté. Nous avons aussi utilisé un moyen moderne : la photo numérique. Régulièrement nous prenions des photos pour visualiser la place de chaque élément. Ces photos nous ont été très précieuses pour le remontage.
Ce travail de démontage a demandé plusieurs jours, de même que le transport dans l’église de Dourges.
LA RESTAURATION
Premier travail : vérifier toutes les pièces.
Nous avons d’abord réparé le gros soufflet : colmatage des fuites. Quand le soufflet a été ouvert nous avons remarqué qu’il était tapissé avec des documents comptables écrits en allemand. Sur ces documents figurait une date, 1874. Est-ce la date de fabrication ?
A l’origine il fallait actionner à la force des bras, ou des jambes, des dispositifs qui envoyaient l’air dans ce gros soufflet. Heureusement un moteur électrique et une turbine se chargent maintenant de cette fonction.
Avant d’entrer dans le soufflet-réservoir l’air passe par un régulateur : voir schéma .
La transmission est à commande pneumatique. Quand on appuie sur une note du clavier, une soupape se lève qui envoie l’air sous pression dans un tuyau ( en plomb à l’origine ). Ce tuyau commande un petit soufflet qui actionne une soupape permettant à l’air de pénétrer dans le tuyau qui donne la note voulue.
Lors de la remise en état j’ai beaucoup apprécié la qualité du travail de ceux qui ont fabriqué cet orgue qui comporte 405 tuyaux.
Sur le chéma vous pouvez vous rendre compte de l’ingénuosité du système de commande au coeur du sommier.
Les petits soufflets sont composés de deux petites plaquettes de bois entourées de peau d’agneau. Pratiquement toutes les peaux ont du être remplacées. Plusieurs » biberons » de colle à bois ont été utilisés.
L’orgue comporte quatre sommiers ( interfaces entre l’arrivée de l’air sous pression et la gravure qui répartit l’air entre les différents tuyaux ).
Le premier est commandé par le clavier du haut : c’est le récit. il supporte trois jeux : Bourdon, Flutte, Doublette. Les tuyaux du Bourdon sont, soit en bois soit en étain. ils donnent un son mélodieux et doux. Les tuyaux des flutes et de la doublette sont en alliage plomb-étain, ou en zinc. Les sons qu’ils donnent sont plus » secs » plus aigus aussi.
Les trois jeux peuvent jouer seuls ou ensemble. C’est l’organiste qui choisit selon la partition qu’il joue.Les deuxième et troisième sommiers supportent quatre jeux. Les sons donnés sont différents selon la taille et la composition du métal. certains des tuyaux, parmi les plus grands, sont en bois.
Les quatre jeux, Flute, Octave, Principal, Larigot, sont reliés au deuxième clavier : c’est le grand orgue.
Certains des tuyaux du grand orgue sont placés en façade : ils forment ce qu’on appelle la Montre.
A propos du Larigot : c’est un jeu un peu particulier. Quand on appuie sur la note » do » le tuyau correspondant donne un » sol » ( une quinte au dessus ). Ce jeu donne plus d’ampleur, de » tonus » aux autres jeux. Dans certains orgues on fait parler les jeux en tirant sur un bouton. L’expression » à tire Larigot » vient de là….
INAUGURATION ( 24 FEVRIER 2008 )
Toutes les chaises de l’église de Dourges étaient occupées. ( 250 personnes )
L’organiste, André POLIN, était très ému devant cette assistance.
Ancien élève du conservatoire de Lille il avait toujours dans le coeur le désir de pouvoir s’exprimer avec un orgue véritable, non pas avec un clavier électronique qui ne lui permettait pas de donner toute son ampleur à la musique qu’il jouait. Enfin son rêve était réalisé et il avait coopéré à l’accord de tous les tuyaux et à leur harmonisation.
Nous avions pris la décision de ne pas remonter l’orgue dans la tribune de l’église mais dans le transept, au milieu. L’orgue est ainsi présent au coeur de l’assemblée et les chrétiens sont très heureux de cette formule.
Des jeunes, élèves du conservatoire de Paris, avaient accepté de participer à cette inauguration : Marie LELOUP violon, Céline GREMELLE soprano, Caroline DUQUESNOY alto, Fabien LALO tenor et haute contre, Matthieu SEGOT basse.
Voici le programme :
ORGUE : Ballo del granduca de Jan Pieterszoon SWEELINCK
ORGUE ET VIOLON : Adagio de Tomaso Albinoni
ORGUE : 13ème concerto pour orgue de HAENDEL
VIOLON et ORGUE : Canon de Pachelbel
QUATUOR et orgue
« Belle qui tiens ma vie » de Thoinot ARBEAU ( Jehan TABOUROT )
Ave Maria de CACCINI
Aria de HAENDEL
Ave verum de MOZART
Panis angelicus de César FRANCQ
» Le cantique de Jean Racine » de Gabriel FAURE
Menuet Gothique joué par André POLIN. Eglise St Piat de DOURGES
Pour écouter l’orgue vous pouvez ausi aller sur Youtube en marquant
Youtube Maurice Macquart
Un renseignement pour ceux qui veulent restaurer un orgue à commandes pneumatiques…
On a beaucoup de mal à trouver de la peau très fine pour remplacer celles qui forment les petits soufflets et qui sont trouées ou détériorées….
Personnellement j’ai trouvé une solution intéressante. J’utilise tout simplement les sacs plastiques des super marchés. Pour coller, une colle est parfaite ( on la trouve dans les magasins de bricolage ):
» KOLTOUT «
J’ai essayé, et c’est parfait !
- La municipalité de Dourges a refait « l’habillage » de l’orgue.